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Rude journée pour l'orthorexique !
Hier matin, en ouvrant mon ordinateur, je suis tombée sur toute une série d’articles édifiants. Pas de vraie surprise à lire qu’une grande partie des fruits et légumes de l’agriculture conventionnelle contiennent des résidus de pesticides, mais c’est bien que de temps en temps, on parle vraiment de ce problème, ne serait-ce que pour une petite piqûre de rappel. Je mets en copie un de ces articles :
AFP, publié le mardi 20 février 2018 à 19h19
Près des trois quarts des fruits et 41% des légumes non bio sont porteurs de traces de pesticides: c'est la conclusion d'un rapport publié mardi par Générations futures, taxé de sensationnalisme par des associations agricoles.
L'ONG, qui milite contre les pesticides, a compilé des données de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur la période 2012-2016 et a retenu 19 fruits et 33 légumes consommés en France pour lesquels les échantillons sont représentatifs.
Résultat: 72,6% des échantillons de fruits présentent des résidus de pesticides quantifiés, c'est-à-dire dont la quantité peut être mesurée. Dans le cas des légumes, ce chiffre tombe à 41,1%.
"On s'attendait à trouver des résidus de pesticides" dans des aliments issus de l'agriculture conventionnelle, a expliqué le directeur de l'ONG François Veillerette, lors d'une conférence de presse. "Mais l'intérêt est d'avoir le détail sur une période assez longue", ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, explique-t-il.
Quel enseignement tirer de ce rapport? "Tout n'est pas à loger à la même enseigne", constate François Veillerette: parmi les fruits, le pourcentage d'échantillons le plus élevé présentant des traces de pesticides concerne le raisin (89%), devant les clémentines/mandarines (88,4%) et les cerises (87,7%). La pomme, le fruit le plus consommé en France, arrive en huitième position (79,7%).
Ces écarts s'expliquent par "les différences de sensibilité des cultures", indique M. Veillerette.
Parmi les légumes, les échantillons de céleri branche sont ceux présentant les traces les plus importantes de pesticides (84,6%), devant les herbes fraîches, hors persil, ciboulette et basilic (74,5%) et les endives (72,7%). Les pommes de terre arrivent à la septième place (57,9%) et les tomates à la 13e (48,9%).
- "Rapport anxiogène" -
Le nombre d'échantillons de fruits dépassant les limites maximales de résidus (LMR) reste faible: 6,6% des cerises, 4,8% des mangues/papayes, 4,4% des oranges, 1,7% des pommes. Pour les légumes, les limites sont dépassées pour 29,4% des échantillons d'herbes fraîches, 16% de céleri branche, 2,9% de tomates et 2% de pommes de terre.
"Le fait de dépasser les LMR n'implique pas nécessairement un danger", précise Loïc Tanguy, directeur de cabinet de la DGCCRF.
Dans tous les cas, en cas de dépassement des LMR, un retrait du marché est demandé par la DGCCRF pour faire respecter les normes en vigueur.
"Il n'y a pas d'indications de risque sanitaire (lié aux pesticides, NDLR) à consommer des fruits et légumes", renchérit Jean-Luc Volatier, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Générations futures a laissé de côté les fruits et légumes bio et regrette que les chiffres de la DGCCRF "ne permettent pas de connaître la présence de cocktails de résidus de pesticides".
La DGCCRF a demandé un avis à l'Anses sur ce point.
Ce rapport "met bien en évidence l'urgence de la sortie d'un usage non maîtrisé des produits phytos comme le glyphosate", a réagi la secrétaire à la Transition écologique d'État Brune Poirson sur Twitter.
Alors que les mesures prises par le passé n'ont pas permis de réduire drastiquement l'usage de pesticides dans l'agriculture française, Générations futures espère que le nouveau plan du gouvernement "permettra réellement de (...) créer l'élan nécessaire pour un changement de pratiques".
Les consommateurs sont de plus en plus réticents à l'utilisation de produits phytosanitaires, reconnaît Éric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA, qui assure que le monde agricole "est clairement engagé pour trouver des alternatives". La Coordination rurale regrette que "produits français et importations (soient) mis dans le même panier" et parle de "salades et sensation".
La fédération des produits phytosanitaires (UIPP) dénonce "un rapport anxiogène".
Des producteurs maraîchers et arboriculteurs veulent lancer de leur côté un label "zéro résidu de pesticides", différent du bio. Chaque produit ne pourra pas présenter plus de 0,01 mg de pesticide au kilo. Pour Générations futures, cette solution n'est pas satisfaisante car "ces offres ne garantissent pas une absence d'utilisation de pesticides".
On a beau le savoir, ça fait froid dans le dos. À noter que l’Anses (qui est quand même censée veiller sur la sécurité de notre alimentation et donc notre santé) prétend… que consommer des fruits et légumes ne présente pourtant pas de danger (les fameux 5 fruits et légumes par jour) ! J’avoue avoir un peu de mal à suivre cette logique. Par ailleurs, inutile de s’étendre sur les réactions (totalement prévisibles) de la FNSEA et de l’UIPP.
Donc, on avale des pesticides, mais selon des organismes officiels, ce n’est pas grave, on peut continuer, on ne risque rien ! On deviendrait adepte de la théorie du complot pour moins que ça !
Le rapport n’évoque pas les légumes bio (sur lesquels une étude avait montré il y a quelques mois qu’on pouvait trouver aussi des traces de pesticides).
J’ai un peu parcouru les réactions des internautes suite à ces « révélations », et j’en ai identifié trois grands groupes :
— Il y a ceux qui disent : « Faites comme moi, produisez vos propres fruits et légumes sans rajouter aucun produit d’aucune sorte ». Tout ça, c’est très bien, mais encore faut-il disposer d’un (très grand) jardin, de temps, ce qui est loin d’être le cas de tout le monde. Et si jamais on se contente de fumier comme engrais, ne pas oublier de se renseigner sur la manière dont les animaux ont été nourris !
— Il y a ensuite ceux qui déclarent : « Ne consommez que du bio, achetez des fruits et légumes français sur les marchés, à de petits producteurs ».
Pour le bio, je suis évidemment d’accord. Pour le français aussi (encore que je ne sois pas parfaitement au clair avec moi-même sur ce sujet, j’en reparlerai). Pour les marchés, là, je suis plus réticente. Rien en effet ne me prouve que le petit producteur ne traite pas ses fruits et ses légumes.
— Il y a enfin ceux qui décrètent : « Le bio, c’est de l’arnaque, ça sert juste à vendre plus cher, le vrai bio n’existe pas ».
Je reviens un instant là-dessus car force est de reconnaître que tout n’est pas faux dans ces dernières affirmations. J’ai moi-même longtemps utilisé cet argument. Le vent souffle : il entraîne des miasmes, des résidus de produits phytosanitaires, passe sur une parcelle bio. Il ne l’évite quand même pas ! Que se passe-t-il alors ? Le bio est nécessairement contaminé (au moins un peu). Et les eaux de ruissellement ? Et quand un champ cultivé en bio est proche d’un champ exploité en agriculture conventionnelle, peut-on croire que le premier n’est pas pollué ?
Je n’ignore rien de tout ça. C’est pourquoi le 100% bio n’existe pas, c’est une évidence. Ou alors, il faudrait trouver des producteurs vivant mettons à 100 kilomètres de toute industrie, de tout élevage, de toute production de fruits et légumes traités… et encore !
Je n’ai naturellement pas de réponses à ces questions. Je persiste à penser que même si le bio peut être contaminé, il ne subit cependant pas de traitements supplémentaires, ce qui est un très gros avantage. Et puis, est-ce que toutes les parcelles bio se trouvent à proximité de parcelles en agriculture conventionnelle ?
Je ne sais pas si je me donne bonne conscience en considérant que le bio est meilleur. Je ne le pense pas. Il n’empêche que je suis bien obligée moi aussi de m’interroger, et c’est donc évidemment une source d’inquiétude (une de plus !).
Malgré tout, j’ai décidé que j’allais désormais faire systématiquement ce que je faisais jusque-là occasionnellement : tous mes fruits et légumes (donc bio) seront mis à tremper un quart d’heure dans de l’eau additionnée de bicarbonate (on peut aussi utiliser du vinaigre blanc), puis soigneusement rincés. Cette méthode est simple, peu coûteuse, et elle permet de supprimer la grande majorité des résidus. Je me demande d’ailleurs pourquoi hier, quand tous ces articles sont sortis, personne n’a évoqué ce procédé élémentaire.
Difficile pourtant d’admettre, pour moi, que dans notre monde, la nourriture « pure » ne peut plus exister.
Il y a comme ça des jours où les réflexions d’une orthorexique sont un peu moroses !
Tags : orthorexie, pesticides, alimentation bio
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