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Réflexions de l'orthorexique : le végétarisme
Je suis végétarienne depuis très longtemps (enfin, je le suis presque tout le temps, sauf si je me trouve invitée par exemple, parce que la vie en société impose une certaine tolérance).
Je le suis devenue autour de vingt ans. Mes raisons étaient alors simples, et je ne m’interrogeais pas énormément sur la question.
D’une part, il y avait eu déjà quelques scandales alimentaires (le veau aux hormones notamment, il me semble que pendant un bon moment, on n’en a plus mangé à la maison). La viande apparaissait déjà comme quelque chose de pas vraiment sain, même si j’étais peu sensible finalement à ces préoccupations.
Ensuite et surtout, j’adorais les animaux : penser qu’on les tuait pour les manger me heurtait. Et encore, je ne savais pas grand-chose sur les abattoirs, et quasiment rien sur les conditions d’élevage, ou les vaches laitières. Car paradoxe, ça ne me posait pas de problèmes de consommer du lait ou des produits laitiers, j’aimais même ça.
Enfin, tout simplement, c’était assez couru dans le milieu d’étudiants dans lequel j’évoluais. On était plusieurs végétariens : j’ignore si les autres le sont restés, mais pour moi, ça a été le cas.
J’ai conservé ces convictions pendant des années. Ça amusait mon entourage, et à une époque où je déjeunais à la cantine, je passais je crois pour une originale. Le cuisinier, qui m’aimait bien, préparait parfois rien que pour moi de petits gratins d’endives, de poireaux, que je dégustais sans états d’âme (alors qu’ils étaient pleins de crème ou de lait). Tout le monde s’y était fait, famille, amis, relations. Je m’abritais même derrière des phrases de gens célèbres, une de mes préférées étant de Marguerite Yourcenar : « Je ne veux pas digérer une agonie ». C’était une belle caution morale !
Aujourd’hui que je suis devenue orthorexique, je ne consomme toujours pas de viande, j’aime toujours les animaux, mais il me semble que la réflexion sur le végétarisme doit être plus complète, plus globale.
D’abord, commençons par ce qui est une évidence : l’homme n’est pas naturellement végétarien. Il est omnivore, à l’instar d’autres espèces comme le porc, l’ours ou le renard pour ne citer qu’eux. Il a de tout temps mangé de la viande, nos « ancêtres » préhistoriques étaient d’ailleurs, selon l’expression qui a fait florès, des « chasseurs-cueilleurs ». Ils chassaient et dévoraient leur butin quand il y en avait un, ceux qui vivaient au bord de la mer ou des rivières pêchaient.
Il ne s’agit pas de savoir si c’est bien ou mal. Quand on parle de nature, de l’essence d’une espèce, la morale n’entre pas en ligne de compte. C’est ainsi. Il ne viendrait à l’idée de personne de contester que les félidés par exemple sont des carnivores, nul ne nourrirait son chat avec des légumes. D’autres animaux sont des herbivores comme les éléphants, ou les vaches. L’évolution a fait que l’homme, pour sa part, mange de tout. Viande, poisson, légumes, fruits, céréales…
Donc d’une certaine manière, devenir végétarien est quelque chose de « contre-nature ». On va à l’encontre de ce que nous sommes, un peu comme quand on a rendu, à l’inverse, les vaches carnivores en les nourrissant aux farines animales.
Cela dit, l’homme étant un animal pensant, il peut faire le choix de ne pas consommer de viande pour différentes raisons.
Ces raisons sont souvent d’ordre moral. Même si l’espèce n’est pas par essence végétarienne, celui qui ne veut pas ingérer du cadavre (à cause de tout ce que ça représente, de la souffrance animale) peut facilement l’éviter dans nos contrées. On trouve des protéines après tout dans pas mal d’autres aliments (œufs, produits laitiers, mais aussi légumineuses, ce que je ne savais pas avant de devenir orthorexique… je ne savais d’ailleurs pas grand-chose sur l’alimentation).
La nourriture se trouvant en surabondance dans les pays occidentaux, se passer de viande aujourd’hui n’est pas un problème. Autant autrefois il était essentiel d’en manger quand c’était possible, car on connaissait des périodes de famine (et dans ces situations, on n’a pas trop d’états d’âme sur ce qui nous permet de survivre…), autant désormais, la viande n’est plus obligatoire ni même nécessaire. On ne mourra pas de faim si on n’en consomme pas. Les végétariens, à ma connaissance, ne sont pas sous-alimentés.
Comme quoi, la richesse (la richesse globale des pays, je ne veux pas dire bien sûr que tous les gens sont riches) modifie nos valeurs morales. Si on meurt de faim, on mange ce qu’on trouve, y compris la chair animale, bien content d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Quand on a de la nourriture à profusion, on peut commencer à se poser des questions, à s’interroger sur ce qui est bien ou mal selon la perception de chacun.
On ne devient cependant pas végétarien uniquement en mettant en avant des arguments moraux. Il y a aussi des raisons disons « écologiques », mais ça, je l’ai découvert plus récemment que la souffrance animale, qui est quelque chose d’évident pour toute personne un peu sensible. En effet, manger de la viande est franchement mauvais pour la planète. L’élevage entraîne une déforestation massive pour que les bêtes puissent pâturer, et surtout pour produire le fourrage, les céréales qu’on leur donne à manger. Les animaux nécessitent aussi énormément d’eau, or on sait que l’eau douce sera un des enjeux majeurs des prochaines décennies (elle fera beaucoup plus défaut que la nourriture).
Sans compter que pour produire une calorie de viande, il faut dix calories végétales (celles des aliments du bétail). Pour arriver à ça, on surproduit notamment des céréales. Et pas forcément des céréales bonnes pour la santé ni pour la planète. Si en France par exemple, le maïs OGM est à peu près interdit à la consommation humaine, il est autorisé pour l’élevage. Donc, indirectement, quand on mange de la viande, on mange des OGM (de même que quand on mange de la viande, on absorbe des antibiotiques, puisqu’on en administre à beaucoup d’animaux, y compris s’ils ne sont pas malades, pour accélérer leur croissance). Et comme nous sommes sans cesse plus nombreux sur la planète, ce problème écologique n’est pas près de s’arranger.
Par ailleurs, même si je ne me suis jamais vraiment penchée sur la question, il me semble qu’on peut aussi devenir végétarien pour des raisons religieuses. Apparemment, les religions de l’Inde (hindouisme, bouddhisme) sont celles qui sont le plus orientées vers le végétarisme (au nom du principe que toutes les vies se valent). Des raisons de santé aussi, même si elles sont discutables : ce qui est mauvais pour la santé, est-ce manger de la viande, ou en manger en excès ? Est-ce en consommer, ou est-ce le mode de préparation (grillades, barbecue) ? Des peuples comme les Masaïs, ou les Inuits, dont la base de l’alimentation est carnée, n’ont pas plus de problèmes de santé que nous, semble-t-il.
Donc, c’est la première conclusion à laquelle on peut arriver de façon à peu près certaine : même si l’homme n’est pas par essence végétarien, il peut faire le choix de cette alimentation pour des raisons variées qui sont le fruit d’une réflexion individuelle.
À suivre
Tags : orthorexie, viande, végétarisme, élevage
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